Si detoujours avait des muses, Sophie Fontanel serait sans doute l’une d’elles, autant car elle a été l’une des premières à repérer comme une aiguille dans une botte de foin notre « style à sa source », que parce qu’elle est surtout totalement detoujours avant même de nous connaître, par essence, dans une totale liberté.
Libre des diktats de la mode, tout en étant l’une de ses meilleures analystes, libre d’inventer de nouveaux usages, de dénicher des merveilles sans filtres sociaux mais définitivement culturels, chinant, enquêtant sur les podiums de grandes maisons comme sur les marchés ou dans les pires échoppes touristiques, en un mot : sans a priori, « awake ».
L’âme du vêtement chevillé au corps, car son histoire familiale et personnelle dit beaucoup sur l’élégance au-delà des aléas de la vie, et sur combien le style vous tient encore droit quand tout s’effondre, et quand tout s’envole vers le mieux aussi comme des ailes qui vous portent.
Intelligente, elle est terriblement drôle comme seuls les gens très brillants ont la politesse de l’être.
L’humour est le fil rouge de son écriture de journaliste (Le Matin de Paris, Elle, Cosmopolitan, Canal +, Le nouvel Obs), d’auteur de bande dessinée (Fonelle), ou de romancière à succès (ed Laffont) avec dans la littérature une infinie sensibilité comme touche supplémentaire.
Devenue sur Instagram, ses dernières années, une des plus importantes influenceuses de la mode parisienne (donc mondiale) nous étions impatients de connaître sa detoujours list !
Isabelle Crampes
Votre vêtement d’été DE TOUJOURS ?
Les tongs. J’ai été élevé dans le Sud pendant les vacances quand j’étais enfant, et dieu sait qu’un enfant a des vacances, et on mettait des tongs. Dès que j’ai été gosse je savais m’accrocher les doigts de pied dans la tong et je trouve que c’est un vêtement élégant. Les gens d’Havaianas sont venus me voir en me disant « Merci de porter des tongs avec des vêtements de ville et de montrer que cela peut être élégant » C’est un vêtement qui me vient de l’enfance.
Votre vêtement d’hiver DE TOUJOURS ?
Mon vêtement contre le froid c’est ACNE qui le fait, c’est un col roulé que l’on enfile. Devant il fait comme une petite bavette tout comme derrière, ce qui fait qu’on a pas d’écharpe, on enfile ce gros col. C’est pratique, il n’y a pas besoin de rouler le col, et qui plus est, c’est très beau et très moderne. Ça emporte n’importe quelle tenue un peu fade, et l’hiver on est un fade.
Votre sac increvable ?
Je n’aime pas beaucoup les sacs à main, mis à part les tout petits. Mais j’ai un sac increvable, qui pourrait tout à fait être vendu par DE TOUJOURS . Il y a des sacs d’ouvriers en Grèce qui sont fait dans des toiles de bateaux, des toiles d’ailleurs plutôt de parasol, c’est vraiment du coton c’est pas du nylon. C’est soit des voiles de bateau en coton soit des parasols. C’est increvable, ça délave de manière magnifique. Et ça ne coûte qu’une dizaine d’euros.
Votre habitude DE TOUJOURS indispensable ?
Acheter des chemises avec des grandes manchettes! Il faut vraiment ça pende parce qu’il y a des boutons de manchettes et je les coupe. J’ai vu que Patti Smith faisait ça également. Après ça s’effiloche et je trouve ça tellement chic avec une veste de smoking, même à bas prix, d’avoir la manche qui dépasse avec les fils. Et c’est de la belle chemise car souvent ces chemises à manchettes sont de très belle qualité.
Votre accessoire DE TOUJOURS le plus chic que vous possédez ?
Un peigne. J’ai un beau peigne en bois, ça lisse bien et c’est antistatique. J’ai les cheveux raides, et autant les cheveux frisés je trouve ça beau quand ce n’est pas coiffé, autant les cheveux raides je trouve ça plus joli coiffé.
À la Ali McGraw ?
Oui à la Ali McGraw mais à la plein de femmes. Les femmes dans les années 60, elles se coiffaient. Et puis ma mère me disait toujours « mets toi un coup de peigne », c’est très important. C’est aussi l’expression DE TOUJOURS.
Le vêtement qu’on vous a transmis et que vous transmettrez ?
Alors le vêtement qu’on m’a transmis c’est une très belle histoire, je la raconte dans un livre. Ma tante, la soeur de ma mère, avait une chemise en Madras que j’adorais et je lui demandais tout le temps cette chemise, parce qu’elle était très généreuse et je pensais qu’elle me la donnerait. Mais ça, elle n’a jamais voulu. Elle l’adorait, elle était dans les tons pastels. Et un jour, elle avait 90 ans et elle m’a dit « cette chemise que tu veux depuis 30 ans, et ben je te la donne. Fais attention elle est fragile. Cela fait des années quand même que je la porte . » Je suis rentrée chez moi je trouvais qu’elle cocotait un peu, elle ne sentait pas très bon, alors je l’ai mise dans une petite bassine avec une eau savonneuse. Et la chemise s’est entièrement transformée en fil, elle s’est totalement désagrégé dans l’eau. Le poids de l’eau l’a détruite.
Et vous l’avez gardé dans cet état?
Non, mais j’ai gardé une autre chose qu’elle m’a donné, c’était un petit vêtement de bébé en soie qui était a une de ses soeurs, j’ai voulu le laver pareil mais il s’est également désagrégé . Mais je l’ai gardé, je vais le mettre sous verre un jour.
Quant au vêtement que je pourrais transmettre j’y ai beaucoup réfléchi parce que je n’ai pas d’enfant et je suis embarrassée avec ça.
Mais vous avez des neveux …
Oui mais je n’ai pas envie de transmettre un vêtement spécifiquement à quelqu’un mais plutôt à une friperie. Je me dis qu’il y a quelqu’un qui va aller dans une friperie, qui va voir cette jupe et qui va se dire c’est fantastique je l’achète. Il ne saura pas que c’est moi qui l’ai dessinée et faite coudre, je trouve ça beau ce côté anonyme.
Le sexy DE TOUJOURS pour vous ?
La jupe fendue, pas trop moulante, des années 70.
La jupe juste au niveau du genou avec des petits talons de 3 cm je trouve ça très beau.
Votre repère mode, votre basique DE TOUJOURS ?
Ce qui me permet de garder tout le temps mon identité c’est le bleu ciel. J’ai de très jolies chemises, bleu ciel, que j’ai chinées, dans un coton très très fin, le col est un peu rigide car c’est fait par un tailleur. Mais le coton est vraiment tout fin. Je trouve que le bleu ciel ça rend quelqu’un élégant, c’est une couleur poétique.
Votre égérie DE TOUJOURS ?
Greta Garbo. Et maintenant c’est fou parce qu’il y a énormément de gens qui ne savent pas qui était Greta Garbo. Déjà quand j’étais jeune ses films n’étaient pas trop regardés, elle les détestait d’ailleurs. Mais quelle élégance ! C’était la première femme à être chic dans la rue, connue je veux dire, car chic tout le monde l’était. Elle a fait peu de films, mais en revanche elle a passé sa vie à marcher dans les rues du monde entier où elle était photographiée, c’était les premiers paparazzis. Elle avait des chaussures de ski qu’elle avait fait adapter en chaussure de ville, elle mettait des grands pantalons larges, elle se mettait des grands manteaux d’homme. J’adorais sa manière de s’habiller. C’était des vêtements d’homme mais ultra ultra féminin. Il y a une photo d’elle, qui doit avoir 75 ans, que j’adore, où elle a carrément un jean coupé retroussé, une paire de Birkenstock, elle était géniale.
Elle se faisait faire des tas de choses par Alaïa, donc c’était quelqu’un qui avait un vrai rapport à la coquetterie mais une coquetterie qui a après donné Jane Birkin, Patti Smith, enfin tout ça vient de Greta Garbo.
On va revenir à vous, votre passé, votre enfance. Qu’est ce qui a fait que vous avez toujours aimé la mode ? Est ce que vous avez un souvenir, comme par exemple un vêtement dans l’armoire de votre mère, une façon qu’elle avait de se coiffer ou peut-être quelque chose de votre père ?
Je viens d’une famille qui n’avait pas beaucoup d’argent. Du côté de mon père c’était des français bourgeois mais mon père était un peu déclassé là dedans. Et du côté de ma mère c’était une famille très humble. Et les deux avaient peu de vêtements, mais on avait énormément de respect pour le vêtement. C’est-à-dire que ma mère avait une paire d’escarpins, une seule, et le reste du temps elle se mettait des petites chaussures dans le style derbys mais sa paire d’escarpins je crois bien qu’elle l’avait encore quand elle est morte. Ils étaient vernis noirs avec une boucle dorée et il y avait un fétichisme du vêtement parce qu’on savait qu’il pouvait nous améliorer, pouvait nous faire passer des barrières sociales, pouvait nous permettre d’être gaie quand on ne l’était pas. Cette adoration je l’ai quasiment depuis que je suis née.
Et quand vous étiez petite, est ce vous aimiez vous habiller ? Est ce qu’il avait des moments où vous aimiez enfiler telle tenue pour une occasion particulière ?
Je pense que j’aimais m’habiller quand j’étais enfant parce que mes souvenirs d’enfance, quand j’y repense, ils sont toujours liés à un vêtement. C’est une robe qui grattait que je voulais pas mettre, une fois où une voisine de mon immeuble m’avait offert une robe chasuble avec un petit col roulé que j’adorais, mon premier maillot de bain en liberty, un pantalon avec des volants. Je me souviens de mes vêtements. On était pas très riche donc chaque achat d’un vêtement était considéré comme un grand moment, on choisissait le vêtement , ma mère me répétait de faire attention qu’il ne fallait pas l’abimer.
Interview menée par Sihem Bioud