Le fond « freaks » des icônes 70’s, l’ambiance relax de l’époque, avec son cool libertaire à nul autre pareil et son mode de vie proche de la nature, restent un must aujourd’hui encore. On sait moins pourtant que la source de ce style est à trouver dans les années 20’s du côté d’un mouvement appelé « héliotropisme » plus que du côté des hippies.
Il ne faut pas croire que les bobos qui boivent des jus d’herbes bio, affalés en spartiates sur des kilims sont uniquement les héritiers des vaporeuses années soixante dix et du mouvement hippie.
En cherchant l’origine de cette attitude bohème et de ce retour à la nature si contemporain, on peut évoquer Rousseau, ou les artistes de tout temps dans un autre genre, mais ce n’est pas suffisant.
Certes, il y eut aussi -de longue date- cette posture un brin « freaks chic », commune aux vieux aristocrates (anglais notamment), adoptant une esthétique orientaliste « retour des colonies » : les voyages assouplissants les mœurs.
Elle ne concernait finalement qu’une élite, et semble encore un indice bien lointain pour expliquer l’apparition de cette liberté totale d’un corps sain et décomplexé, dont le grand public découvre scandalisé les prémices avec une Bardot marchant pieds nus dans les rues du St Tropez des années 50.
Entre temps il y a une période fondatrice, une période dont l’héritage rayonne encore de nos jours dans l’esprit des belles libertaires mystérieuses dans le genre de l’unique Kate Moss, comme dans le cœur adolescent de chacun, une période fondatrice autant pour le bobo que pour le baba et qui trouve sa source, et son apogée intellectuelle dans les années 20’s/30’s.
En effet derrière les physiques finement musclés et dorés, des jeunes gens de la fin des sixties, à Los Angeles ou dans une crique ibizenca, il y a beaucoup d’un mouvement d’idées né de la génération précédente, au début du siècle en Europe, qui fit de la liberté individuelle une pensée globale et moderne. 14-18 ayant fracassé toutes les certitudes, la jeunesse aspire alors à l’invention d’un nouveau modèle.
Une génération qui va être suffisamment inspiré pour remplir la page blanche qui s’offre à eux. Il vont choisir l’épure, vers la fonctionnalité, la simplicité, la matière brute, mais réfléchie comme un retour aux sources : Tout ce qui est inutile, on l’élimine.
On regarde d’un œil neuf et admiratif, l’Afrique et les civilisations autrefois considérées comme primitives, et même les folklores régionaux sont re-valorisés.
Les années 30 sont le pic créatif de l’avant-garde : le mode de vie, les mœurs évoluent à grande vitesse dans la suite de grands courants philosophiques portés à maturité, de découvertes scientifiques, médicales qui changent la manière d’appréhender le monde, d’œuvres d’art et d’architecture révolutionnaires qui modifient l’art de vivre.
Quelque chose de spécial éclot dans ce contexte, sur les bord de la méditerranée, propice à la vie simple au plus près des éléments … et le SOLEIL va jouer un rôle central dans cette avant-garde.
En architecture, l’héliotropisme est aussi un concept utilisé à l’époque, pour tirer parti du rôle du soleil dans l’organisme. Une ode au minimalisme, à la cabane, à la vie dedans-dehors, une lointaine influence Rousseauiste qui pousse à de nouvelles expériences d’auto-suffisance, et à la découverte de l’alimentation saine.
Le Corbusier construit son cabanon, Picasso, Breton, les Noailles, les américains Fitzgerald ou Hemingway en vacances …profitent de la vie au rythme du midi dans ce nouvel état d’esprit. Et les facétieux artistes dadas, les surréalistes, sont bien sur de la partie.
Toute cette avant-garde, converge à un moment ou à un autre vers la méditerranée, pas celle seulement de la « french riviera » luxueusement aménagée, mais celle des villages typiques, pour vivre ce retour à la vie sauvage dans une nouvelle modernité. La mode alors libère le corps de la femme, les physiques deviennent plus athlétiques, la nudité connaît ses premières expériences de plein air et les teints se hâlent. Le soleil n’est plus l’ennemi mais le centre d’expériences sociales autour des bienfaits de l’astre roi.
L’époque va avec les débuts du naturisme (L’Ile du levant, « Héliopolis », est en 31 un des premiers villages naturistes d’Europe).
Le mot naturisme signifie alors «prendre la nature pour guide», il est préféré à «vitalisme» qui n’englobe pas suffisamment le concept de nature « médicatrice ». On pose donc également ici les bases de la diététique naturelle, du vitalisme donc et plus généralement d’un nouveau mode de vie qui semble alors possible. Malgré leur diversité, tous pratiquent l’exercice physique au grand air, le sport est l’élément fédérateur de ces pionniers du naturisme, on découvre aussi le Yoga. La nudité, par l’éducation physique, doit aider l’homme à prendre conscience de soi, à s’élever, à éliminer les toxines et à respecter les lois immuables de la nature.
L’héliotropisme ce concept qui circule, a fait de la méditerranée, et de son l’ambiance antique, un must. Les courants libertaires se propagent et la femme nouvelle, sous l’influence des idées marxistes venues de l’est, autant que de la liberté des moeurs aristocratiques qui se sont répandues, exprime sa liberté jusque dans son vêtement.
Le mouvement est tellement en vogue qu’il infuse les courants idéologiques les plus opposés et les prémices du nazisme sont clairement tintées aussi de ce courant « retour au naturel » dans une interprétation viciée.
Les américains sur la côte d’azur se mêlent aux russes blancs, les artistes aux intellectuels, tous unis pour vivre la vie de bohème et expérimenter ce nouveau modèle après les chocs des révolutions sanguinaires et de la grande guerre.
Ils rapporteront chez eux ce style insouciant du farniente élégant. Car ils ont tous très vite adopté des tenues quotidiennes locales et traditionnelles, et y sont restés fidèles de retour à Paris, ou ailleurs dans une aspiration de revenir aux essentiels.
Eva Gardner, Grâce Kelly, les Noailles, ou Coco Chanel, on les mêmes envies, on adopte et détourne les vêtements des folklores du coin. Sculptés par ce nouveau culte du corps et l’avènement du bronzage, ce souci du bien être et de la santé.
Ces physiques à la mode qui ont changé la vision de la beauté, portent à merveille les vêtements empruntés aux marins, aux charpentier, aux folklore grecs, catalans ou provençaux.
Mais c’est le bassin méditerranéen qui incarne alors le mieux ce lâcher-prise naturel. Du côté catalan, de la fervente Barcelone jusqu’aux rochers de Cadaquès ou de Collioure, même engouement, les visiteurs adoptent les vigatanes, chaussons pour danser la sardane, héritées des colonies romaines: on les porte, hommes comme femmes avec leurs lacets pour un confort et une tenue qui permet de sautiller sans effort.
On est en 1930, mais l’art de vivre sous les pins et le soleil a déjà éprouvé ses classiques : Des vareuses de pécheurs, délavées par les éléments, portées sur des minis shorts, des marinières à tout va, spartiates, espadrilles, avarca de minorques, tuniques, bracelets africains, paniers en veux tu en voilà, brassière de la marine, béret basque, font florès, c’est la nouvelle élégance du retour au naturel. Tout l’attirail indispensable encore aujourd’hui pour le « folk » des vacances, ou des festivals d’été.